12.2024
- La vision de David Lynch sur la créativité, sur les idées (extraits d'un documentaire contenu sur le dvd du film Elephant man) : Tout découle des idées, de les traduire... Ce qui me semble juste le sera pour les spectateurs, si on en est pas satisfait, les autres ne le seront pas. Il faut s'approcher le plus possible de ses idées. [...]. Les idées nous viennent, on ne crée pas vraiment une idée, on l'attrape comme du poisson, un cuisinier ne se vante pas d'avoir fabriqué un poisson. Il le prépare, c'est tout. Donc une idée nous vient et elle est comme une graine, on se rend compte alors que l'idée va plus loin que ce que l'on pensait. Et si on l'a exprimée fidèlement, quand l'oeuvre est finie depuis quelques années, on peut retirer encore plus de choses des idées auxquelles on a été fidèle. Elles sont donc très importantes et il est important d'y rester fidèle. [...] Si les gens croient que je prends plaisir à semer la confusion... j'essaie de rester fidèle à mes idées et de les traduire en images de la façon la plus juste. Certaines idées sont plus abstraites que d'autres. Mais heureusement on est tous dotés d'intuition. Et l'abstraction est bien plus présente dans la vraie vie... On a recours à l'intuition pour comprendre ce qui est abstrait, pour s'approcher de la réalité, comme un détective. Ce même outil peut être utilisé au cinéma. Et c'est si beau de comprendre une chose intuitivement et de trouver une réponse qui nous semble satisfaisante. C'est comme regarder une peinture abstraite. Il y a ce tableau qui est immuable, comme les images d'un film. Mais un spectateur intervient et ça crée un cycle. Du tableau au spectateur et vice versa. Et chaque spectateur en retirera une impression différente.
- Sortir de sa chambre pour Chantal Akerman : J'ai toujours eu le désir d'écrire. Des nouvelles, des romans ou des textes comme ça, sans qu'il y ait forcément une histoire. Du langage. Un mot après l'autre. Cela peut s'appeler récit, monologue. N'importe. Simplement, j'ai eu peur de ne faire que ça. La peur de rester chez soi et se perdre. Je savais qu'en écrivant des films, je sortirais de ma chambre. (« Angles de vues », Entretien avec Chantal Boiron, Les Lettres françaises, n°19, avril 1992.)
- Quel est l'espace privilégie de mon imaginaire ? Si je devais en réaliser une carte, à quoi ressemblerait-elle ?
- Un autre espace de l'écriture : le temps. Quand je fais la même chose tout le temps, j'en perds la mémoire, le temps passe trop vite. Changer le train-train, pas la routine, écrire moins ou plus, changer de lieu, changer le sens de retravail en reprenant par la fin...
- Extraits de l'interview par Les artisans de la fiction de Santiago Gomboa : je n'écris pas avec une connaissance que les autres n'ont pas (contrairement au médecin), je peux acquérir des techniques mais l'existence de l'écrivain, c'est quelque chose d'autre. C'est quoi le talent ? Est-ce qu'on peut le faire apparaître ? Est-ce qu'il part ? On peut comprendre ce qui se passe dans un texte de Kafka mais cette connaissance ne sert qu'à Kafka, on ne peut pas l'extraire pour l'appliquer ailleurs, c'est un matériel très difficile à traiter. Ecrire c'est chercher le livre (quand on ne sait pas quoi écrire), le processus est différent de celui qui sait quoi écrire qui fixe ce qu'il a déjà compris.
- Y a rien qui vient, on se répète, jusqu'au jour où ça vient.
- L'évolution du langage avec les âges, qui repasse à celui d'un enfant quand on vieillit, j'entendais dans la chambre voisine à celle de ma grand-mère une vieille dame crier toute la journée : j'ai peur, maman s'il-te-plaît.
- Pour le réalisateur Julien Grémillon, la poésie est l'union de l'artisanat et de l'artiste.
11.2024
- Mon corps est ma main d'oeuvre. Comment je l'exploite ? Comment ne pas le surexploiter ? Quand on l'exploite, on finit toujours par le payer.
- La beauté des mots ensemble : Les extrémités négatives, La brutalité de la répétition.
- Exercice : Sur le modèle des injonctions absurdes et dystopiques du collectif Sirènes (Politique des transpositions) dont voici le début : Prépare une radio, des couvertures et des comprimés d’iode. Mets-toi à l’abri à l’intérieur ou derrière un bâtiment. Appelle les pompiers. Enveloppe les personnes dans des couvertures ou des manteaux. Lance l’alarme. Consulte les aide-mémoires et observe les instructions des autorités locales. Inscris tous les numéros de téléphone importants des membres de ta famille. Reste chez toi. Ne prends aucun risque. Tiens tes mains devant ton visage pour protéger tes voies respiratoires. Suis l’évolution locale du temps. Établis un plan d’urgence... Ecrire sa série d'injonctions absurdes comme par exemple celle pour se couper de tout contact humain : garde toujours une arme dans ta poche, garde tes écouteurs dans le métro pour ne pas entendre les problèmes des autres, cache toi quand on te reconnait... Pour consulter le document intégral du collectif, c'est ici.
- Extraits d'une interview de Christine Angot sur son documentaire "Une famille" par Joséphine Leroy (Trois couleurs n°205) : Ecrire un roman c'est faire que la vie passe à travers l'élaboration romanesque. Que la vie change de plan [...] Si vous voulez vraiment dire quelque chose, il faut toujours en dire deux en même temps. Sinon c'est transformé en discours...


10.2024
- Vivre en poète, en rage (la rage du poète de Pasolini), est-il incompatible avec l'envie de chercher à faire carrière ?
- On peut quitter un endroit, une personne sans être quitté par eux.
- Que deviennent les bibliothèques des gens ? Que deviendra ce tas de livres que j'ai assemblé et rassemblé depuis des années, qu'est-ce qui sera gardé ou jeté ?
- Un chef d'oeuvre l'est aussi parce qu'il ne donne pas toutes ses clés.
- Ecrire parce qu'on n'arrive pas à déployer sa pensée à l'oral dans l'interruption, et que l'on peut prendre le temps à l'écrit, dans la solitude de la développer, de la creuser, cette pensée.
- Une belle phrase d'Antoine Mouton dans Les chevals morts (La Contre Allée, 2022) : est-ce que tu entends derrière nous les chevals tous mourir ?
- Pour qu'un objet devienne fantastique, il suffit parfois de le décrire avec suffisamment de précision.
- Le moteur de la création est-il sexuel ? Quand je suis concentrée, je ressens une forme d'excitation à l'idée de caresser la surface des choses. La description est une forme de passion.
- Un même lieu : un hall de gare, des personnes se pressent de rentrer chez elles, d'autres appréhendent cette arrivée dans une ville nouvelle dans laquelle rien n'est familier, ni les gens, ni les lieux...
09.2024
- On ne peut pas créer quand on n'a aucun contrôle. Charles Burnett
- La poésie : ne lui est essentiel que l'enjambement. Pierre Alferi
- Un titre : La loi des hommes. On aurait pu y être confrontée plus violemment, d'autres n'ont pas eu cette chance, n'ont pas échappé à la haine des hommes.
- Edmond Jabes "Le livre des marges" (Livre de poche, 1987) : Laisser à l'écrivain le soin de commenter, pour nous, son oeuvre c'est, en quelque sorte, le sortir de ses ouvrages. À première vue, cela pourrait paraître paradoxal puisque si on lui demande d'accomplir cette tâche c'est, précisément, pour qu'il nous fasse entrer - comme le maître des lieux, ses visiteurs - dans ses livres. Or, face au texte, l'écrivain se trouve dans la même situation que l'éventuel lecteur, le texte s'offrant toujours à nous tel que nous pouvons le lire. Il est à chaque fois, le texte de notre lecture, c'est-à-dire un nouveau texte. L'écrivain s'écrit en lisant, le lecteur se lit dans l'écrit.
- Extrait d'un interview de Pierre Assouline pour l'émission Etcetera sur France Inter (21/09/2024) : ne pas révéler son secret, c'est son moteur, l'utiliser pour ses textes, sans tout dire, si on parle trop, on n'aura plus rien à dire...Si ça ne vient pas, c'est que ça ne devait pas venir, doit être écrit avec nécessité.
- Les mots ont plus de force que ce que je pensais, ils intimident, ralentissent les confessions, parfois ne sont pas à la hauteur des gens. La littérature de fiction intimide t'elle plus que le reste ? Est-elle moins proche des gens ?
- Ne pas faire des projets trop proches les uns des autres sinon cela risque de composer un espace créatif trop petit dont on ne pourra plus sortir. Plus on éloigne les projets les uns des autres, plus on aura de liberté.
- Je me dessers, écrire de la fiction m'empêche de me rappeler correctement de mon vrai passé, d'être au plus près du réel puisque je le mélange constamment à l'imaginaire que je rajoute en écrivant.
- Une première phrase : Je suis en train de boire du café à côté de la mer...
- une trouvaille en littérature : quelque chose de riche qu'on trouve et qu'on peut étendre.
- Exercice : Dans "L'invitation chez les Stirl" de Paul Gadenne (Gallimard, 1982), un personnage, dans sa maison, secoue sa pipe au dessus du cendrier mais vise mal. Imaginer une scène du quotidien (se brosser les dents, faire son lit...) ratée, décrire ce qui en découle comme dans cet extrait.
- Exercice : Dans "Dedans" (Al Dante, 1999) Charles Pennequin joue sur les répétitions, creuse tout ce qu'il peut des mots. On peut penser aussi à la comptine qui commence chaque phrase avec la fin de la phrase précédente (Trois petits chats... chapeau de paille... paillasson...). Aller à son tour au bout des mots "Plus je parle et plus on me fait de la place. Plus on me fait de la place et plus je dis tout ce qui me passe. Plus je dis tout ce qui me passe et plus ils disparaissent dedans".
08.2024
- Parce que Nick Cave ne fait rien comme les autres, le film documentaire "20 000 jours sur terre" (réalisé par Jane Pollard et Iain Forsyth, 2014) présente une journée dans sa vie en mêlant fiction et réalité. Quelques notes prises : Si je perds la mémoire, je perds l'écriture. La vie tient à la mémoire... La création est réalisée dans la solitude et accepter que d'autres puissent la comprendre m'aide à la "métamorphoser" en quelque chose de mieux...
- Ce n'est pas la première ligne qui est importante mais la seconde, celle qui va permettre de tirer le fil.
- Quand je découvre de nouveaux mots ou des combinaisons de mots, quelle joie, comme si un nouveau monde s'ouvrait à moi.
- Comment inscrire son art dans le collectif ? Les mots forts de Nathalie Sejean sur le rapport entre individualisme, collectif et créativité : Pour maintenir un régime totalitaire, il faut cultiver le sentiment d'indifférence auprès du peuple. L'indifférence va de pair avec l'individualisme et l'atomisation de la société empêchent de ressentir de l'empathie pour les autres. L'individualisme entraîne l'apathie et en même temps il est important de cultiver ce qui nous rend unique et singulier. Comment être soi tout en n'étant pas individualiste au point d'être déconnecté des autres ? Mettre qui nous sommes au service du collectif, utiliser son talent, son intelligence, son imagination pour améliorer le collectif.
- Ressentir une grande fragilité vis à vis de son travail en écoutant Louis-Ferdinand Céline parler des autres écrivains : Ne m'intéressent que les gens qui ont un style. Les histoires y en a partout, tout le monde a une histoire. Ces écrivains rampent dans les phrases... Descartes disait Je n'ai pas plus de génie que les autres mais j'ai plus de méthode. Si vous mettez pas sur votre peau, vous n'avez rien, il faut payer.
Jusqu'à quel point je peux donner à un texte ? Sentir qu'on peut aller plus loin devrait aussi permettre de savoir qu'on est trop loin.
- Être auteur c'est ressasser en vain du passé.
07.2024
- En lisant L'éveil de Kate Chopin, je pense à l'importance de faire vivre les événements aux personnages dans le moment présent et non pas détachés d'eux, avec distance, comme une retranscription. Le personnage dans l'eau a soudain peur et cela fait 4 lignes : Une vision soudaine de la mort frappa son âme, la terrifia un instant et lui affaiblit les sens. Mais au prix d'un effort elle rassembla ses facultés défaillantes et parvint à regagner la terre. Elle ne parla pas de sa rencontre avec la mort et la terreur qui l'avait foudroyée.
- La lecture d' Une partie rouge de Maggie Nelson (Éditions du sous-sol, traduction de Julia Deck, 2017) et une idée d'exercice : décrire une photographie d'abord de manière très pragmatique, en prenant appui sur le matériel "...rangée de trench-coats et de chaussures noires assorties" avant de laisser pénétrer la fiction dans l'écriture, le psychologique "...comme si elle n'était pas morte mais simplement épuisée"

- La découverte par hasard dans un musée vide de l'ouvrage "L'homme noir" de Michelangelo Pistoletto (édité par l'École nationale supérieure des beaux-arts en 1988). En voici le résumé : " J'ai acheté à Catania, le 15 décembre 1969, un bloc-notes de 365 pages, autant qu'il y a de jours dans l'année, relié dans une peau marron sur laquelle est gravé en lettres d'or : " V.I.P. ", je l'ai payé six mille lires. Je me suis fixé de remplir les 365 pages en un mois sans repentirs, c'est-à-dire d'arriver tout de suite à la version définitive. Le besoin d'écrire un livre est né des circonstances, tout comme est née chacune de mes œuvres et les autres actions que j'ai pu faire. Les raisons et les motifs de ce livre font partie du texte même. Le livre, celui qui l'écrit et celui qui le lit sont des cordes sensibles de cet instrument. On pourrait dire qu'il s'agit d'une histoire à trois protagonistes, un écrivain, un livre et un lecteur, auxquels de nombreux personnages viennent se mêler : la poésie, l'art, l'économie, la folie, la prose, le système nerveux, le rythme, la surprise, comme dans une véritable œuvre littéraire... "
Et le début de l'ouvrage :

05/06.2024
- On peut se dessécher à force de se focaliser sur ce qu'on considère comme des faiblesses dans nos textes... Laura Vazquez
- On ne peut pas écrire avec l'imagination seule, ni avec l'intellect seul. Alejandra Pizarnik - Journal - 1ers cahiers 1954-60
- Exercice : s'inspirer de ce passage du recueil "Héros-limite" de Ghérasim Luca, poète d'origine roumaine (éditions Gallimard, 2001), comme cette comptine qu'on a tous apprise enfant Trois petits chats, reprendre la fin du mot pour trouver le mot suivant et si rien ne vient, répéter le mot, comme "air, air, air" jusqu'à ce que cela vienne.

- Dans "L'atelier d'écriture de Michelle Grangaud" membre de l'Oulipo (réalisé par Pascale Bouhénic, écrit par Pascale Bouhénic, 1998) quelques notes prises en vrac : l'arbitraire fait travailler la langue, l'imagination fait travailler sur une thématique, sur une subjectivité, la contrainte pour démultiplier l'imagination, aucune sympathie pour les noms propres, c'est un caillou dans le langage.
Je la découvre aussi composer des anagrammes avec les lettres du scrabble. J'essaie. Ce que ça peut donner : le chanteur conduit = Trou chiant de ce nul ; un roi sans divertissement (merci Giono) = tenir des matins souvenirs ; je suis en sécurité = le jeu issu est rien ; mais elle flottait = le las tait le motif - La lecture de "Décor Daguerre" d'Anne Savelli, réflexion poétique sur une femme qui se déplace, avec la présence d'Agnès Varda jamais très loin. (éditions de l'Attente, 2017). Une consigne : se poser des questions, partir d'un verbe pratique, couper, patiner, tondre pour le lier à quelque chose de plus intime, de plus subjectif. Ça donne de très belles choses, ma préférée : À réparer qu'en est-il des blessures ?

04.2024
- Écrire non pas pour laisser des traces mais pour chercher sa pensée. Gaëlle Obiégly dans Le Book Club de France culture (03/04/2024).
- L'injustice sociale de ne pas avoir de mots à sa disposition, ce qu'on ne peut pas nommer n'existe pas, sans mots nous ne pouvons pas nous défendre.
- Toujours se poser des questions "la réponse est le malheur de la question" Maurice Blanchot
- Quelques manières de travailler son écriture inspirées par un atelier de Marion Guével : écrire une première scène silencieuse, sans dialogue ni bruit mais parcourue de gestes, d'expressions pour donner à voir et dans un second temps réécrire la même scène en y rajoutant des sons, du bruit, des dialogues.
Si l'on se sent bloqué par une scène, essayer la technique de découpage de la scène en courtes séquences pour revisualiser l'essentiel. Ex :
1) C'est le matin. Parce qu'elle a encore sa chemise de nuit, ou peut-être que c'est l'après-midi, qu'elle s'est levée tard, qu'elle n'a pas eu envie de s'habiller, qu'elle n'a pas entendu son réveil
2) Il y a une moquette au sol, des rideaux aux fenêtres, des fauteuils matelassés, décor feutré qui pourrait être chaleureux mais aussi trompeur, l'épaisseur camoufle le bruit... etc. - Mots de la comédienne Marie Gouault à l'atelier d'écriture organisé par le TDI (théâtre à durée indéterminée) : L'écriture automatique pour se voir mieux, mettre des morceaux de soi en dehors de nous.
La bulle de créativité de l'artiste est différente de la bulle de réception du public. - La poésie va au bord des mots, là où ils ne sont pas, hors du discours, hors du langage. Qu'est-ce que le langage ? Est-ce que j'écris avec le langage ? Langage : capacité d'exprimer ses pensées et de communiquer au moyen d'un système de signes vocaux et éventuellement graphiques (la langue). Est-ce que je pense d'abord à mon discours avant de penser aux mots ?
- J'utilise les mots pour me décaler. Il y a l'indispensable "Cambouis" d'Antoine Emaz (éditeur Seuil, 2009) : La question n'est pas la beauté ou de créer un plaisir disons culturel de lecture, il s'agit de mettre sous tension le lecteur et que le poème force une connexion sur un bloc sensation/émotion/langue/mémoire qui soit au-delà de moi [...] Le didactisme c'est ne pas faire confiance au lecteur pour se débrouiller. Donc on appuie : au lieu d'une indication, on en met deux, trois.. jusqu'à saturer le texte et matraquer. Relire ses derniers textes en craignant d'y voir apparaître en permanence ce didactisme.
- Sur le fait de partager son travail, les mots de Nathalie Sejean : Partager qui on est et ce qu'on fait avec générosité, pour moi, ça veut dire donner des contextes, donner accès aux autres à ce qu'il y a autour du "produit fini". Poster son travail sans jamais donner d'explications, comme si on était des machines à produire de "l'art" ne me semble pas être une posture qui aide pour créer du lien.
- Ce que je fais : des listes, de souvenirs, de lieux, de gens...
- utiliser la narratologie pour cadrer le travail (discipline qui étudie les techniques et les structures narratives mises en œuvre dans les textes littéraires).
- Un personnage qu'on s'ennuie à écrire, au lieu de le supprimer, on peut en jouer, accentuer l'ennui.
- Ne pas tout raconter à la même vitesse, accélérer des moments, en ralentir d'autres, casser le rythme. Penser à la mise en forme, laisser des espaces pour que le lecteur puisse laisser les images se développer.
- Infinité de mots pour peupler ses textes : hétéronomie, glose, clinamen, goémon... avoir envie d'en faire un album, un glossaire. Le conseil de Gabrielle Filteau-Chiba : le mot que l'on ne comprend pas, l'écrire sur une feuille, l'accrocher au mur, se l'approprier.
- Quelques bribes de "et vos corps seront caillasses" de Joëlle Sambi (L'Arche, 2024) : Écrire c'est toujours la trace de quelque chose. Une proposition d'écriture à partir d'un extrait du poème Raconte :
Je descends du fleuve qui courbe le Congo sur 5000
Je descends de Lukeni, reine du passé et de l'avenir
Je descends de Mongo wa Kaila
Je descends du troisième poumon saccagé
Je descends de la peau rouge des pleureuses
...
De quoi descendez-vous ? D'où ? De qui ?
Une autre proposition (extrait de 6h24) :
6h24. Réveil. Matin demi-teinte.
Ni gris ni bleu, juste fade.
Radio.
Kif Radio : Vocoder. 132 bpm. Entrelacs news.
Douche.
Gel douche Mildeen citron vert.
...
Écrire la minute d'une heure, une minute précise, ou plus. Détailler.
- Regarder, observer ne servent à rien si je n'en fais pas quelque chose.
- Je crois que je n'aime pas les surnoms dans les livres, Petite Mère, Petit Prince...
- S'inspirer du cinéma : une scène = une idée, prendre une scène en cours.
- Pourquoi j'écris de Georges Orwell (10/18, 2021, traducteur : Charles Recoursé) et l'importance de la visée "politique" de son travail qui consiste donc "à faire coïncider mes penchants profonds avec les activités fondamentalement publiques et non individuelles qui s'imposent à nous tous aujourd'hui."
Mon écriture est-elle politique d'une certaine manière ou bien est-ce que je ne fais qu'écrire des "romans naturalistes qui se terminaient mal et regorgeaient de descriptions exhaustives et de comparaisons frappantes" ?
Je garde aussi d'Orwell l'idée que l'oeuvre est le sens et que ça ne l'intéresse pas d'expliquer son travail. À retenir. - Idée de consigne d'écriture tirée de De rerum natura (De la nature) de Lucrèce (Flammarion, 1997, traducteur : José Kany-Turpin) : ce qui compte pour former la sensibilité, voir pousser une plante, voir une fleur...
Qu'est-ce qui représente le sensible pour vous ? - Une idée de scène tirée de "Deux secondes d'air qui brûle" de Diaty Diallo (Seuil, 2022) un retour après une soirée, écrire une scène de retour de soirée jalonné d'obstacles.
- Ces deux pages tirées de "Pourquoi écrire va vous rendre heureux" de Natalie Goldberg (Pocket, 2022, traducteur : Richard Doust) sur les passages à vide dans le texte, à garder à l'esprit quand on aime trop divaguer.

- Pour finir, une citation (en anglais) de Susan Sontag dans "The Writer's Desk" de Jill Krementz (Random House, 1996)

03.2024
- Quelqu'un sait où échouent les mots qu'on ne dit pas ?
- On écrit pour lier des choses ensemble, lier les êtres, les vies. (Hélène Dorion)
- Écrivain/écrivaine, poète/poétesse ? Est-ce que je n'ai pas le droit moi aussi d'utiliser le terme générique (suffisamment général) ? Est-ce que je dois être un sexe ?
- Écrire ce qui sature son esprit.
- La peur en créant un compte Instagram de rajouter au vacarme visuel.
- La beauté des mots liés les uns aux autres : L'itinéraire du coeur ou Qui disperse la solitude des forêts ? (La terre nous est étroite. Mahmoud Darwich)
- Petite consigne, écrire sur le même modèle que le passage qui suit (tiré du recueil La terre nous est étroite - M. Darwich - Gallimard - Traduction d'Elias Sanbar, 03/03/2000)
Sans raison, pareil aux oiseaux violents, je pars
Sans raison, pareil aux vents faibles, je pars - On écrit de nos souvenirs, ceux-ci sont en nombre limité, arrive-t-il un moment où l'on finit par en faire le tour ?
- On demande aux écrivains de nous amuser, de nous instruire, de nous raconter leur vie, de nous occuper...
- Les textes ont besoin d'espace, le blanc fait respirer, marque des transitions.
- Réussir à combiner le quotidien, dans son "épaisseur" et l'écriture qui demande du coeur et du travail.
- Trouver un peu de liberté dans la contrainte... mais parfois, même au sein de la contrainte, on ne trouve plus cet espace de liberté.
- Entendu par une camarade d'atelier : Écrire pour accepter de se dévoiler... que je complète par Miel Pagès dans "Les sublimations"... et pour épuiser sa gravité.
- Lu dans le très bel entretien de Camille Readman Prud'homme par Armel Jovensel Ngamaleu : On peut être tranquillement transgressif. Pour moi la qualité d'un texte a souvent à voir avec la justesse et la précision.
- Quelques pistes d'exercices tirées du magnifique recueil "Quand je ne dis rien je pense encore" de Camille Readman Prud'homme (Édité chez L'Oie de Cravan, 21/01/22) :
1. Écrire une liste de situation où l'on se tait.

2. Écrire une liste de gens que l'on a connu :

3. Établir une liste de pertes :

4. Avec certaines personnes... (choisir un groupe, de collègues, de voisins, d'anciens amis du collège...) :

- Si blocage : changer de cadre, de forme, transformer une nouvelle en poème...
- L'art peut-il réactiver l'espace civique ?
- A force d'écrire, c'est comme si l'écriture avalait ma voix, je n'arrive plus à m'exprimer à haute voix.
- Lu chez Fabrice Reymond, l'expression "poète augmenté".
- J'aime le mot encombrement. J'ai l'impression d'écrire sur ça, la sensation d'encombrement.
- L'apaisement d'entendre Laura Vazquez dans le podcast La première chose que je peux vous dire (20/03/2024). Pour réduire la pression que l'on se met, il faut faire de son mieux. Alors je me le répète comme un mantra : je fais de mon mieux.
- Se détacher des grands mots (la pauvreté...) pour trouver des images ("mon lit est dans mon sac à dos").
- La découverte de Roberto Juarroz et de ses poésies verticales :
Lorsque je manque de lumière,
la lumière me paraît impossible.
Lorsque je me trouve hors du poème
le poème me paraît impossible.
Lorsque je cesse de te regarder,
tu me parais impossible.
- Extrait de "Douzième poésie verticale" (Éditions de la différence, traduit par Fernand Verhesen, 03/10/97) - Qu'est-ce que je fais bien ? Trouver ce qui fonctionne pour moi et le faire.
- Un texte est fini quand on ne voit plus les mots, tant qu'on les voit, on travaille !
- Les mots de Gwen Le Gac, comme Albane Gellé, concernant son art, je ne pars pas de la page blanche, c'est trop intimidant, je pars de la matière.
- La lecture de Tristan de Clarence Boulay (édité chez Sabine Wespieser, 04/01/18) et cette scène, ce qui fait partie du quotidien et que l'on peut voir avec un autre regard.

02.2024
- Utiliser la technique de la pensée latérale pour débloquer, trouver de nouvelles idées.
*concept développé par Edward de Bono consistant à trouver des moyens de forcer le cerveau à considérer des points de vue alternatifs, de le forcer à penser autrement. Source : creativite.net*
Se comporter comme un enfant : pourquoi ce tableau est noir ? Parce que la craie est blanche. Pourquoi elle est pas bleue la craie ? C’est pas important. Pourquoi c’est pas important ? Parce que l’important est qu’on puisse écrire dessus. Pourquoi ? Parce qu’on doit pouvoir lire. Pourquoi lire ?...etc - Il n’y a pas de message à faire passer mais un mouvement. Pourquoi toujours tout définir ?
- Vision de la mémoire, celle volontaire, faillible lorsqu'on cherche à se rappeler et la mémoire involontaire causée par un sens (un son, une odeur...) et qui permet de restituer plus fidèlement le souvenir. Le rôle de l'écrivain consiste à se servir de cette mémoire involontaire pour restituer le souvenir par l'écriture. Entendu dans "Proust, surcoté ?"
- La poésie pour grossir en mots. Besoin de place ! La poésie comme pensée, comme passion de la langue.
- Avoir le vertige horizontal : la neige qui tombe.
- Les autres langues : manzel be manzel en farsi (maison à maison, étape par étape) ; The wind of the wings (le vent des ailes)
- Découvrir que la manière dont on écrit a un nom, l'épanorthose : figure de style qui consiste à revenir sur ce qu'on vient de dire de manière à en affiner le sens ou à trouver un mot plus juste.
- Dans le livret du dvd d’Europe 51 (Roberto Rossellini, 1952), Jean A. Gili, critique et historien du cinéma, dit : respecter le réel n’est pas en effet accumuler les apparences, c’est au contraire le dépouiller de tout ce qui n’est pas l’essentiel.
- A chaque fois que je me réjouis d’une formule trouvée, je finis plus tard par l’entendre ailleurs : un mouvement imperceptible... ne jamais se réjouir trop, creuser toujours plus loin que le commun.
- Suivre le très beau projet Mater de Hortense Raynal (atelier d’écriture mettant en valeur le matrimoine poétique contemporain ) dans lequel elle demande notamment aux autrices de se présenter en quelques mots. Se demander ce qui nous caractérise, en vrac : quotidien, interaction, rapports humains, violence, lien, rhizome, encombrement du présent par le passé (y a-t-il un mot unique pour dire ça ?) visuelle, mémoire, souvenir, résilience (ou résistance ?)
- Beauté des mots liés aux autres : La colère des doux.
- Deux extraits de Robert Desnos découverts dans "Œuvres" (Collection Quarto, édition Gallimard, septembre 1999) pour deux consignes :
Une première : écrire un poème chaque soir avant de s'endormir, avec ou sans sujet, fatigué ou non. Je complète cette consigne avec la possibilité de choisir trois mots au hasard pour se lancer (regarder autour de soi, il y a toujours des mots quelque part, sur un magazine, sur le téléphone, sur une boîte de médicaments...) et les intégrer au poème, parfois des liens surprenants se font.
Une seconde : découper des mots, les tirer au hasard, les écrire les uns à côté des autres.
01.2024
- Un atelier d’Albane Gellé et cette idée à laquelle je n’avais jamais pensé que, peut-être, tout ne devait pas partir des idées, que c'est intimidant aussi de ne partir que de cela, mais qu'on pouvait commencer par les mots, que les mots permettaient aussi de faire surgir les idées.
- Quelques notes tirées du colloque « Parlez-moi d’amour » (Éditions L’Arche) sur Pina Bausch : Quelle part d’inconnu à soi-même y a-t-il dans chaque artiste ? Jusqu’à quel point l’artiste peut-il aller au-delà de l’homme ou de la femme qu’il est ? [...] Aucun art n’est absolu et universel, chacun se mesure à une limite.
Je me demande quelle est la limite de l'écriture.
- Pour faire écho à la méthode de travail de Pina Bausch (mouvement allant de l’intérieur à l’extérieur, j'en évoque l'idée en novembre 2023), on peut lire dans la préface de « La terre nous est étroite » de Mahmoud Darwich (Éditions Gallimard, traduction d'Elias Sanbar) : Mais comment accomplir le voyage de l’intériorité du poète vers son extériorité, puis de son extériorité vers on intériorité ?
- Une très belle phrase tirée de « Baleine » de Paul Gadenne (Éditions Actes sud) : car son aspect était celui de la pierre : c’était un hypogée dont le marbre aurait eu des tendresses de fleur.
Hypogée : construction souterraine
- La découverte de la plateforme du Bureau des méthodes développée par La Maison des Métallos, de ses protocoles (expériences ludiques imaginées par des artistes). Les oreilles baladeuses de Nicolas Nova (Carte Sonore – 2022) me fait penser à une autre possibilité, celle de s’installer près d’un groupe d’oiseaux, de fermer les yeux et de suivre les mouvements des oiseaux sur la feuille avec un stylo. Voici la consigne de Nicolas Novo :

Dans son recueil de nouvelles « Tuer un enfant » (Éditions Agone, traductrice Élisabeth Backlund) Stig Dagerman utilise un procédé intéressant dans la nouvelle « Où est mon chandail islandais ? », le personnage alcoolisé raconte plusieurs fois un même épisode de sa vie : son retour de Laponie et la découverte de sa femme avec un autre homme. Plus il raconte l'histoire, plus on comprend sa souffrance et ce qu'il tait.
Cela peut devenir une consigne d’écriture : faire raconter par un même personnage une scène de son passé. À chaque nouvelle version, quelque chose de différent. Imaginer un contexte qui le pousserait à se réinventer à chaque fois.
Voici les pages de Stig Dagerman :
Un joli titre découvert dans le texte «Les palefreniers du roi » de Gisèle Prassinos (contenu dans le recueil « Les mots endormis » Éditions Flammarion) : la chute des cendres et des poussières
- J’ai reçu un retour sur un texte. La personne me parle du béhaviorisme en littérature qui consiste à décrire les actions des personnages et à retirer toute considération psychologique. Je pense à l'écrivain suisse Peter Stamm. Je pense à mon texte qui suit les pensées en continu d'un personnage. Je me demande si je peux en retirer tout le psychologique.
Une autre découverte en janvier : le glossaire subjectif d’Ann Gaspe consultable sur le site de l’Hôtel des autrices et sur lequel on peut lire cette description : Ann Gaspe explorera les relations souterraines et particulières entre sa langue française et sa langue allemande dans un glossaire subjectif qui nourrira le recueil Naturgewalt-Force(s) de la nature, projet littéraire protéiforme débuté en 2021 qui explore le silence traumatique et les débordements incontrôlés de la mémoire censurée d’une génération sur les générations suivantes.
On peut faire des ponts entre les langues, c’est possible, on peut sortir de sa langue, parler des autres, qui nous touchent, celles qui nous irritent. Je pense au mot allemand Die Hexe pour signifier la sorcière et à sa version masculine Der Zauberer le sorcier, dans un sens magique, que le mot féminin n'a pas. Les mots ont un poids, une responsabilité.
Je pense aussi au très beau livre "Les mots qui manquent" de Yolande Zauberman et Paulina Mikol Spiechowicz (Éditions Points) sur ce qui manque à la langue française et que l'on trouve ailleurs.En se concentrant sur les détails on perd la vision d’ensemble, comment réussir à alterner ?
Plus je me concentre sur les mots écrits plus j’ai l’impression de perdre le langage, je ne sais plus m’exprimer qu'à l’écrit et je cherche mes mots à l'oral.
Dans « La Tour » d’Hélène Bessette (Éditions Léo Scheer), le personnage de Louise s’énerve contre Marcel qui a laissé le portefeuille sur le fauteuil :

Où rangeriez-vous un portefeuille ? un pinceau ? un livre ? une bougie ?
Dans un autre passage, l’autrice utilise la répétition pour parler de ce qui est laid :

Faites le même exercice. Je recommande grandement la découverte de cette autrice, d'Ida ou le délire, de N'avez-vous pas froid.
- Lors d'un atelier , Nancy Huston nous fait écrire une page de rage, pour dire toute nos colères. On peut imaginer toutes les déclinaisons possibles : page de tristesse, de joie, de revendications...
- En lisant La plainte du bois de Jean Richepin :

Imaginer la pensée de quelque chose qu’on utilise puis votre réponse (justifier qu’on l’utilise).
- La lecture de Venus Poetica de Lisette Lombé (Éditions L’arbre à paroles) et « sa liste de provocations qui ne mange pas de pain » :
Écrire sa liste de provocations.